Société des Amis de la Bibliothèque Forney



HENRI-GUSTAVE JOSSOT
(1866-1951)

Du 1er mars 2011 au 18 juin 2011
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Jossot avec Picasa Web Album






Expo Jossot                  Expo Jossot





De la révolte libertaire à la fuite vers l'Orient
Gustave Jossot fut l'un des plus célèbres caricaturistes de la Belle Époque. Aujourd'hui encore, les dessinateurs satiriques le reconnaissent comme un maître pour son graphisme étonnamment moderne, sa révolte contre l'ordre établi et son parcours de vie, entre Orient et Occident, fertile en rebondissements. Cette exposition est la première rétrospective consacrée à son œuvre qui regroupe aussi bien des dessins satiriques que des affiches géantes, des lithographies que des peintures à l'huile orientalisantes.






Expo Jossot

Les débuts : parodies créatrices et contestataires
Né dans une famille bourgeoise dijonnaise, orphelin de mère à trois ans, Jossot s'est très tôt révolté contre son milieu. Autodidacte, il se présente volontiers comme un génie précoce, mais à ses débuts, il se contente d'adhérer à la tonalité très consensuelle de la caricature de mœurs. C'est seulement à partir de 1894, au contact d'artistes symbolistes et de représentants de l'Art Nouveau, qu'il élabore un style graphique très personnel, également influencé par les enluminures médiévales et les estampes japonaises : élégance décorative des lignes, déformation caricaturale , contrastes violents des couleurs en aplats cernés d'un large trait noir.
Artiste reconnu par les maîtres symbolistes, Jossot se situe déjà "à la marge puisqu'il s'amuse à parodier l'esthétique et l'iconographie de ses aînés, tout comme la bêtise d'un public hilare.
Comme les Nabis, il se passionne pour la Bretagne, mais c'est pour se moquer d'une peinture à la mode et croquer les habitants en véritables brutes !






Expo Jossot                  Expo Jossot

Les affiches
Jossot réalise des chromos publicitaires mais se fait surtout remarquer par une trentaine d'affiches aux couleurs vives, dans lesquelles il revendique son identité de caricaturiste. La déformation caricaturale et la violence hypnotique des couleurs frappent l'imagination des passants, quand l'arabesque charme leurs sens pour mieux les retenir. S'il réalise sa première affiche en 1894 pour un producteur de pain d'épice dijonnais, il acquiert sa véritable renommée avec deux créations pour les sardines Amieux et Saupiquet : sur cette dernière, longue de plus de six mètres, le spectateur peut reconnaître des célébrités de l'époque (Yvette Guilbert, Sarah Bernhardt ou Aristide Bruant). Partagé entre les exigences de la commande et son aspiration à la liberté artistique, il prendra ses distances face à ce média publicitaire dès que son aisance matérielle sera assurée.






Expo Jossot
Jossot : Les Oies anticléricales - L'Assiette au Beurre, 17 mai 1902

Le dessinateur libertaire
La mort brutale de sa fille unique, en 1896, marque une véritable rupture : Jossot s'isole de plus en plus dans la misanthropie et sa fortune étant assurée par un double héritage, il peut se consacrer uniquement à son art et prouver "que l'on peut faire de l'art et du grand, avec la caricature".
Sa collaboration avec l'hebdomadaire satirique de critique politique et sociale "l'Assiette au beurre", particulièrement soucieux de la dimension artistique du dessin de presse, va lui permettre de donner la pleine mesure de son talent. Chaque numéro est conçu comme un album, généralement de seize pages, consacré à un thème unique et souvent confié à un seul artiste.
Jossot en réalisera dix huit, avec des dessins pleine page et comme seul texte des légendes lapidaires.

Il s'attaque aux principales institutions de la société, discréditées par l'affaire Dreyfus : l'Armée ( Jossot, l'antinationaliste qui connaîtra deux guerres mondiales, restera un pacifiste convaincu), la Justice cruelle et inconséquence, dure aux pauvres, indulgente pour les riches. Quant à l'Église, elle cristallise les luttes politiques et intellectuelles de la Troisième République, qui aboutiront à la loi de séparation de l'Église et de l'État en 1905. Élevé dans la religion catholique, d'une grande curiosité intellectuelle pour les mystères des religions, tourmenté par l'occultisme, tenté un temps par le spiritisme, Jossot s'oppose violemment au pouvoir temporel de l'Église et déteste son clergé, mais sans jamais faire profession d'athéisme. Enfin la stigmatisation du bourgeois cynique, vorace et hypocrite l'occupera toute sa vie.



Jossot, Fixe !
Jossot : Fixe ! L'Assiette au Beurre, n° 43, 25 janvier 1902


En choisissant d'exprimer des idées radicales, il modifie la facture de ses dessins afin d'en renforcer l'impact. L'usage de masques (ceux de la respectabilité !), aux traits alourdis, cernés decontours noirs et épais devient systématique, et le violent contraste des couleurs rouge et noir en aplats évoque la brutalité de la gravure sur bois. Il exprime ses idées par des symboles, décrit des archétypes ciblés par leurs uniformes ou des détails codés et, contrairement aux caricaturistes actuels, attaque la pratique et les objectifs des groupes de pouvoir mais non leurs dirigeants du moment.






La révolte existentielle et individualiste
À partir de 1904, bien qu'il soit au faîte de sa carrière, sa dépression s'accentue. Il rage d'être confiné dans un statut de dessinateur de presse au moment où il en ressent les limites artistiques. Ses caricatures puisent désormais dans un vécu intime et son univers esthétique est marqué par la pensée individualiste.
Jossot ne dénonce plus les seules institutions, mais aussi les individus, les coutumes, les familles, renouant ainsi avec les mélancolies et les révoltes de son histoire personnelle, mettant en cause l'hypocrisie des rapports humains et les responsabilités individuelles dans le mal-être social. Comme autant de manifestes, il multiplie les autoportraits où il se décrit en penseur solitaire, en pédagogue qui résiste aux autorités et se heurte aux conformismes de ses contemporains. La critique de la condition humaine lui paraît alors plus urgente qu'une mise en cause des institutions. Sa révolte prend un tour philosophique contre ses contemporains, dont il fustige les règles de bienséance, le côté grégaire, la soumission aux codes moraux.






Une fuite vers l'Orient
Pour surmonter sa neurasthénie, Jossot effectue avec sa femme divers séjours en Corse et en Tunisie où il apprend à peindre dans les déserts en se confrontant à de nouvelles lumières. Lorsque, désespérant de l`Occident face à la montée des nationalismes qui mènera à la Première Guerre mondiale, il décide de s'installer définitivement en Tunisie en 1911, il est accueilli comme un artiste de premier ordre et rencontre le succès avec de petites toiles dont la facture grossière garde comme une réminiscence de son trait de caricaturiste. Dans de grandes aquarelles et des encres, il pointe tout ce qui dans la réalité n'est pas "pittoresque". Il entend ainsi défendre la beauté d'une population indigène qui devient à ses yeux un véritable matériau artistique, idéalement orientaliste. Face aux excès de la colonisation, il se trouve aussi régulièrement condamné à protéger son rêve en dénonçant les laideurs occidentales.

Lorsqu'il se convertit à un islam proche du soufisme, portant le burnous avec ostentation, il met soigneusement en scène son image de renégat afin d'en accroître l'impact médiatique et la portée politique : il prend le nom d'Abdu'l-Karim, l'esclave du Généreux. Mais là encore, la réalité ne sera pas à la hauteur de sa soif d'absolu, et il reprendra ses habits d'occidental et son nom d'origine. Ruiné par les deux guerres mondiales, il mène une fin de vie difficile, qui conforte sa volonté d'être "en dehors" et de ne se fier qu'à la seule rigueur morale individuelle. ll meurt en 1951, sans avoir jamais revu la France et repose au "cimetière des oubliés" de Dermech, près de Sidi bou Saïd.

Claudine Chevrel (Conservateur en Chef à la Bibliothèque Forney)

Retrouvez le catalogue de l'expo






Les caricatures de Jossot à la Bibliothèque Forney


A propos de Jossot : "Les Oies"





LIENS


Goutte à goutte, le site de Jossot
Wikipedia
Finitude
Libération
Le Monde






Dessin de Cabu

Dessin original réalisé par CABU pour le livre Jossot Caricatures (Éditions Paris Bibliothèques)






Dessin de Lolmède      Dessin de Lolmède

Dessins originaux réalisés par LOLMÈDE pour le magazine En Vue