Du petit point brodé au pixel, il n'y pas loin ! Alors que les œuvres numériques se multiplient, on assiste à un renouveau des travaux d'aiguilles qui, depuis les années 1960-70 ne sont plus l'apanage des femmes (le journal Artpress a même consacré un article à ce phénomène dans le numéro de janvier 2009 !).
C'est à la Renaissance, quand la hiérarchie des arts a classé ces travaux d'aiguilles au rang d'artisanat, que broderie et peinture se tournèrent le dos. Les hommes dessinaient, et les femmes, exclues des ateliers de peintres, suivaient à points comptés ces dessins.
L'éducation des futures maîtresses de maison se faisait en brodant le fameux trousseau de mariage. Dès le XVIIIème siècle, la littérature a représenté la brodeuse comme le parangon de la vertu, féminité idéalisée de patience et de soumissions. Mais l'émancipation de la femme et l'apparition des machines à coudre ou à broder ont changé la donne.
Aujourd'hui, la machine à coudre munie d'un ordinateur n'est plus une simple ouvrière, elle peut reproduire des images et seconde l'œil de l'artiste, permet de créer de nouvelles textures. La photographie peut servir de support à la broderie et en bouleverse considérablement l'univers. Elle lui donne un tour réaliste qu'elle n'avait jamais eu et épaissit sa planéité. Les matériaux nouveaux utilisés (papiers recyclés, végétaux, matières plastiques, supports hydrosolubles) et les produits innovants permettent une constante évolution.
Initié par le groupe Pfaff, le Pfaff art embroidery challenge explore depuis 2005 les similarités entre peinture et broderie machine. Après "Portrait gallery" en 2005 et "Still life" en 2007, le sujet du concours choisi pour 2009 a été celui du voyage. 50 artistes internationaux ont été sélectionnés en provenance de 14 pays : USA, Canada, Australie, Japon, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, et pour l'Europe : France, Angleterre, Allemagne, Hollande, Belgique, Italie, Finlande et Slovénie.
Chacun présente, avec des techniques et des sensibilités différentes, sa propre conception du voyage : l'une pique une carte routière d'une mouvante ligne rouge, l'autre brode sa valise de paysages éclatants de couleurs; beaucoup choisissent d'évoquer les structures de paysages précis (parcs à huîtres, galets de rivières, falaises érodées, empreintes dans la neige, champs de pissenlits ou de boutons d'or, vastes cieux éployés).
Des souvenirs d'enfance remontent en mémoire, comme autant de souvenirs de bonheur, alors qu'une anglaise préfère croquer en une longue fresque les banlieusards écrasés d'ennui attendant leur train pour Londres.
Mais certains artistes s'interrogent aussi sur les désastres écologiques, le réchauffement climatique et la bétonisation à outrance : une Américaine évoque les incendies en Californie, une Australienne représente une forêt dévastée, une Sud-Africaine s'inquiète de la fragilité de l'écosystème du lieu où elle habite, une Anglaise prend pour sources d'inspiration les bretelles d'accès aux autoroutes...
Sortie des intérieurs feutrés, la broderie rend compte de l'actualité la plus sensible.