Société des Amis de la Bibliothèque Forney



EXPOSITION L'ART POPULAIRE EN MACÉDOINE
23 décembre 1970 au 30 janvier 1971


Carte de la Macédoine, État indépendant depuis septembre 1991



Lorsque cette exposition est organisée en 1970, la Macédoine est l'une des 6 républiques qui constituent la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie. Il est à noter que pendant l'époque communiste, la Macédoine a connu un développement socio-économique assez rapide. Ainsi, la population agricole a diminué, mais aussi l'illetrisme.

Après la disparition de Tito, comme dans d'autres républiques yougoslaves, des tensions naissent, en l'occurence entre les Macédoniens et la minorité albanaise, qui représente près de 20% de la population de cette république yougoslave.

Les premières élections multipartites organisées en 1990 sont remportées par les nationalistes qui remportent le plus de sièges au Parlement. Après les déclarations d'indépendance slovène et croate, la Macédoine décide à son tour de conduire un référendum en 1991. Les partisans de l'indépendance remportent 95 % des suffrages et la Macédoine déclare son indépendance le 8 septembre 1991.






Invitation pour le vernissage de l'exposition L'art populaire en Macédoine le 22 décembre 1971






Les Nouvelles Littéraires
7 Janvier 1971

À l'hôtel de Sens, l'Art populaire en Macédoine

C'est une exposition joyeuse et colorée que nous propose en ce moment le musée ethnologique de Skopje, merveilleusement dépaysante, évocatrice de la République Yougoslave de Macédoine, de ses traditions et de ses coutumes. Car, il s'agit là d'une exposition d'art populaire, présentée dans les salles de l'hôtel de Sens.

Bien des influences se font sentir, sur cette terre disputes de Macédoine, chacune apportant quelque chose, et dans l'art populaire comme ailleurs. On pourrait jouer à retrouver ce qui est dû à l'un, et ce que l'autre a donné, du vieux fond balkanique à Byzance, à la Grèce, a la Turquie, et, par elle, a l'Orient. Mais ce qui importe, en fait, ce sont ces objets, ces bijoux tels qu'ils sont façonnés par des artisans anonymes, les tissus que les femmes tissèrent, et dont elles confectionnèrent les costumes que voila. Et mieux vaut, pour les non-spécialistes, se contenter du plaisir qu'ils donnent. ll est certain.

L'Art populaire en Macédoine, Forney 1971

L'imagination aidant, le visiteur rend la vie à ces pots, à ces cuillères de bois, à ces outils, et surtout, aux vêtements, presque tous feminins; de tous les jours, de fêtes et de cérémonies. C'est là, sans doute, que le génie populaire macédonien s'est donné le plus librement cours. Les femmes montrent toujours beaucoup d'invention lorsqu'il s'agit de se parer. Mais ici, bien sûr, où les traditions sont très fortes, elle ne peut s'exercer que dans des limites étroítes. La composition du costume, sa forme, demeurent fixées, mais une plus grande liberté est laissée à la décoration, aux broderies. Les broderies nationales macédoniennes sont executées soit en fils de laine, soit en fils de soie, et composent des accords de couleurs vives, où domine toute la gamme des rouges.

Aussi bien, d'ailleurs, le goût du peuple macédonien pour les couleurs hautes de ton est manifeste dans toutes les pièces du costume, non seulement dans les chemises ou les jupes des femmes, mais aussi dans les tabliers, les chaussettes, les coiffes de jeunes mariées, les ceintures, les sacs, les couvertures, et dans les vêtements des hommes eux-mêmes. Et les motifs décoratifs sont toujours géométriques. Tout cela est extrêmement coloré. C'est la première impression que l'on reçoit et qui vous frappe, en pénétrant dans l'exposition.

Et puis, il y a les bijoux. Naturellement, il s'agit de parures populaires. Elles ne sauraient être d 'une très grande richesse, et si l'or se rencontre parfois, les orfèvres utilisent plus volontiers l'argent, le laiton, le cuivre. Qu'il sagisse de boucles, d'agrafes, de bracelets, de colliers, les bijoux font partie intégrante du costume, ornements décoratifs au même titre que les broderies. Ils s'harmonisent au reste parfaitement avec lui. Comme lui, ils sont quelque peu voyants. Mais, lorsqu'on se penche sur eux, on s'aperçoit de la finesse d'éxécution, de l'invention des décors, très souvent en filigrane d`argent, du travail considérable fourni par l'artisan pour la création d'une seule agrafe, par exemple.

Mais il y a aussi la maison, et les objets, les instruments dont on se sert a chaque instant, les récipients en cuivre ou en laiton, eux aussi ciseies, ornés de figures géométriques ou de feuilles stylisées; les pots, certains massifs, d'autres qui conservent le souvenir de formes anciennes. Les plus émouvants, ce sont les objets en bois, humbles, sans doute, mais d'autant plus touchants, polis par l'usage, ceux qui servaient aux bergers isolés avec leurs troupeaux dans la montagne, ou que les femmes utilisaient dans leur maison. Tous sont taillés, travaillés avec amour, on le sent aux sculptures, aux décorations naives qui les ornent. Certains, comme ces instruments à enrouler le fil à broder, et que nous voyons ici, étaient sculptés par les bergers pour la femme aimée attendant au

Sans doute, les pieces réunies dans les salles d'exposition de l'hôtel des anciens archevêques de Sens appartiennent au XIXe siècle, ou même au début du XXe mais dans les montagnes de la Macédoine yougoslave, les traditions se sont perpétuées, et, bien que proches de nous, ces objets témoignent pour des temps plus anciens. A travers eux, se lit en filigrane la vie, la vie quotidienne avec ses travaux sans cesse recommencés, les grands événements, mariages, naissances, les passions et les joies qui la marquent.
Jean Daleveze






Le Courrier du Meuble
8 janvier 1971

L'Art populaire de Macédoine à Forney

Une exposition "L'art populaire en Macédoine" a lieu actuellement à l'Hôtel de Sens qui présente un échantillonnage d'objets de ménage de cette ancienne province, actuellement partagée entre la Grèce et la Yougoslavie (C'est maintenant le nom de l'une des six républiques (capitale Skopje) qui constituent la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie), où sont conjuguées un grand nombre d'influences (albanaise, byzantine et turque notamment).

L'Art populaire en Macédoine, Forney 1971

Inaugurée le 22 décembre par S.E. Yvo Vejvada, ambassadeur de Yougoslavie, cette exposition a été organisée conjointement par les Amis de la Bibliothèque Forney, l'Association France-Yougoslavie et le Musée Ethnologique de Macédoine, de Skopje.
Les pièces exposées à Forney datent en général des XIXe et XXe siècles mais elles conservent un caractère archaïque dû aux techniques restées traditionnelles. La-bas aussi, la copie d'ancien conserve de nombreux adeptes...

Encore qu'on y produise des poteries, des bijoux et des objets de table en métal, c'est surtout pour ses broderies et tissages que la Macédoine est réputée et les couturiers parisiens le savent bien qui ne se privent pas d'y chercher des sources d'inspíration.

Au chapitre du tissage, il faut citer également des couvertures en laine écrue et poil de chèvre, brodées de dessins géométriques, pouvant fort bien être utilisées pour la décoration murale.

La sculpture sur bois occupe à cette exposition une place non négligeable, les matériaux étant généralement le noyer, le noisetier, le frêne, le hêtre, le chêne, l'érable, le pin et le peuplier. C'est en ce dernier bois qu'a été réalisé le plafond que nous reproduisons ci-dessus. Ses motifs floraux - sculpture profonde en ajour - sont l'œuvre d'artisans de la région de Skopje (début du XXe siècle.
G.T.






Le Monde
13 janvier 1971

L'Art populaire de Macédoine : des costumes aux beautés liturgiques

De la Macédoine, l'une des républiques de la Yougoslavie, et, plus précisément, du Musée ethnologique de Skopje, nous viennent, grâce aux "Amis de la bibliothèque Forney" et à l'Association France-Yougoslavie, 274 objets d'art populaire assez artificiellement isolés de leur très riche contexte balkanique. Le cas est trop fréquent pour être encore souligné. ici, c'est surtout la poterie qui manque de l'originalité locale célébrée dans les préfaces stéréotypées. Mais, dans cet ensemble inégal, où l'on aurait aimé un peu plus de sculpture sur bois, le costume - et surtout le costume féminin dans ses détails - est un triomphe.

C'est un costume lourd. Un costume presque liturgique. Celui du mariage et de la fête. Un costume-trésor admiré dans la maison qu'il décore et honore - avant de devenir un costume pour vitrine. Trois salles, et justement des vitrines, permettent de découvrir les merveilles du détail : broderies et dentelles. On pouvait se demander quel était le secret de tant de fraîcheur présente dans les groupes de danseuses. C'est l'aiguille. Elle retrouve, pour alléger les masses de laine souvent superposées jusqu'à masquer la coupe, la légèreté des guirlandes de fleurs naturelles. Citons, dans la seconde salle: les "dentelles décoratives", chefs-d'œuvre de virtuosité, qui restituent le jasmin sur sa longue et fine tige, la branche souple et mobile qui pourra être épinglée sur le rectangle rigoureux de la coiffure ou placée sur le corsage. Ces décors très libres et, répétons-le, "mobiles", viendront animer à volonté la géométrie des tissages. Une très gracieuse invention.

Parmi d'autres, toujours de détail, citons aux bords des écharpes, fichus ou carrés de tissu, l'adjonction de minuscules bordures de dentelle - toujours l'aiguille- elles-mêmes bordées de toutes petites perles de verre, généralement claires. Même le costume masculin comporte cet ornement délicat diun grand luxe. Dans l'ensemble le tissage, surtout de laine, aime bien entendu la couleur - le rouge particulièrement - et sait la placer sur fonds noirs et blancs. Des rehauts au "passé-plat", des bordures juxtaposées de fils d'or et d'argent qui s'achèvent en spirales roulées en gros cabochons retrouvant les rythmes des bijoux, nombreux et très orientaux.

Comme ailleurs dans ce monde où a passé l'islam et qui se relie à Byzance on aime porter des monnaies enfilées, des séries de plaques en or, en argent, en laiton ou en cuivre et il arrive qu'on y ajoute des coquillages, mais le bijou n'a pas, ici, bénéficié de la même invention poétique que la "broderie noire en relief " chère aux femmes de Debar et de Dolni-Polog.

Parallèlement aux broderies somptueuses dans la technique "à I'aiguille à fils comptés" généralement en laine et soie, un art très sobre, non vestimentaire, s'est développé chez des bergers nomades, les Vlassi : leurs couvertures, trop peu représentées à l'exposition qui n'en montre que quelques-unes, pourraient tantôt passer pour des fourrures tantôt pour des tapis scandinaves contemporains. La laine y est travaillée d'une manière très particulière, par foulage, et les couleurs sont simples, profondes et saisissantes.

Pour mémoire, des pipes turques incrustées, des boîtes à graisse d'arme ornées de nacres ou d'aventurine de Venise. Beaucoup de perles de verre tricotées. De l'ambre, du corail. Un bruissement de pendeloques.
P.-M. Grand